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[3436] A quelque vingtaine de pas de mon guichet la ruelle se met à longer le mur du cimetière. [3437] La ruelle descend, plus on va plus le mur s'élève. [3438] Passé un certain point on chemine plus bas que les morts. [3439] C'est là que j'avais ma concession à perpétuité. [3440] Tant que durerait la terre cette place serait à moi. [⁁] [3441] J'y allais de temps en temps contempler ma tombe. [3442] Elle était en place déjà. [3443] C'était une simple croix latine. Elle était blanche. [3444] J'avais voulu mettre mon nom déjà, avec le ci-gît, et ma date de naissance. [3445] On n'aurait eu qu'à ajouter celle de ma mort. [3446] Mais on me l'avait pas permis. [3446|001] J'avais dû me batailler pour avoir l'autorisation de planter la croix. [3447] Quelquefois je souriais, comme si j'étais déjà mort. [3448] Nous allâmes à pied pendant quelques jours, empruntant des chemins obscurs. [3449] Je ne voulais pas me montrer sur la grand'route. [3455] Je montrai à mon fils comment se servir de la boussole de poche. [3456] Il y prenait un grand plaisir. [3457] Il se comportait bien, beaucoup mieux que je ne l'avais espéré. [3458] Le troisième jour je lui rendis son couteau. [3459] Le temps nous favorisait. [3460] Nous faisions nos douze milles par jour facilement, 6 dans la matinée, les six autres le soir. [3461] Les premiers temps il fallait coucher à la belle étoile, [3462] du moins la prudence le conseillait. [⁁] [3463] Je montrai à mon fils comment faire un abri avec des branches. [3464] Il était dans les scouts mais |
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[3498] Je réfléchissais par à-coups, tout en m'abandonnant à la douceur de l'été finissant, aux instructions de Gaber. [3499] Je n'arrivais pas à les reconstituer à mon entière satisfaction. [3500] La nuit, sous les branches, soustrait aux attractions de la nature, je me donnais tout entier à ce problème. [3501] Les bruits que faisait mon fils en dormant me dérangeaient considérablement. [3502] Quelquefois je sortais de l'abri et me promenais de long en large dans l'obscurité, [3503] ou je m'asseyais le dos contre un tronc, ramenais mes pieds sous moi, prenais mes jambes dans mes bras et appuyais le menton sur un genou. [3504] Même dans cette attitude je n'arrivais pas à m'éclaircir. [3505] Qu'est-ce que je cherchais à juste? [3506] C'est difficile à dire. [3507] La chose qui manquait, pour que le rapport de Gaber fût complet. [3508] Il me semblait qu'il avait dû me dire ce qu'il fallait faire de Molloy une fois trouvé. [3509] Mon travail à moi ne s'arrêtait pas au repérage, [3510] ç'aurait été trop beau. [3511] Mais je devais toujours agir sur l'intéressé d'une façon ou d'une autre, suivant mes instructions. |
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[3553] Je n'arrivais donc pas à savoir de quelle façon je devais agir sur Molloy une fois que je l'aurais trouvé. [3554] Les indications que Gaber n'avait pu manquer de me fournir à ce sujet m'étaient complètement sorties de la tête. [3555] Voilà le résultat d'avoir passé toute la journée du dimanche à des bêtises. [3556] Inutile que je me dise, Voyons, qu'est-ce qu'on te demande d'habitude, [3557] puisque mes commissions n'avaient rien d'habituel. [3558] Il y avait bien une certaine opération qui revenait de temps en temps, mais avec assez souvent pour avoir de grandes chances d'être celle que je cherchais. [3558|001] [3559] Mais on ne m'aurait jamais demandé autre chose qu'une seule fois que cette seule fois me lierait les mains.
[3560] Je me disais qu'il valait mieux ne plus y penser, que je n'avais qu'à trouver Molloy d'abord, que d'ici là j'avais le temps, que la chose me reviendrait quand je m'y attendais |