Digital Manuscript ProjectMalone meurt / Malone Dies

[0875] C'était l'aboiement des chiens, la
nuit, dans les petits hameaux
accrochés aux flancs de la montagne,
où vivaient les casseurs de pierres,
depuis des générations.
[0878] De la
montagne aussi me venait une autre joie,
celle des lumières éparses y naissant
à la tombée de la nuit, s'unissant en
tâches à peine plus claires que le ciel
que la moindre lune éteignait,
s'éteignant d'elles-mêmes,
à peine allumées.
[0879] C'étaient des choses
qui étaient à peine, à la limite du
silence et de la nuit, et qui bientôt
cessaient.
[0880] C'est ainsi que je raisonne à
présent, à mon aise.
[0881] Debout devant ma
haute fenêtre ouverte je m'y abandonnais,
attendant que ça finît, que
ma joie finît, là loin devant moi, en
moi, tendu vers la joie de ma joie finie.
[0881|001] Drôle d'enfant, vous me direz.
[0881|002] Comme de
juste.
[0882] Mais il s'agit plutôt
à présent de mes oreilles, [ADDITION]Addition on page
04vd'où jaillissent deux touffes impétueuses de poils
jaunes probablement, jaunis par la
cire et le manque de soins, et si
longs que les lobes en sont cachés.
[0883] Je
constate donc, sans
émotion, que depuis quelque temps elles
semblent entendre mieux.
[0884] Oh je n'ai
jamais été même partiellement sourd,
[0885] mais depuis longtemps j'entends
confusément.
[0886] Me voilà encore em-
berlificoté dans mes histoires de perception.
[0887] Ce que je veux dire probablement est ceci,
- Segments
Malone meurt / Malone Dies © 2017 Samuel Beckett Digital Manuscript Project.
Editors: Dirk Van Hulle, Pim Verhulst and Vincent Neyt