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[3396] à nouveau ce que je n'ignore plus et croire savoir ce qu'en partant de chez moi je croyais savo
rir.
[3397] Et si je déroge de temps en temps de à cette règle, c'est seulement pour des rapport à quant à des [X] détails de peu d'importance.
[3398] Et dans l'ensemble je m'y conforme.
[3399] Et avec une telle chaleur que sans exagération je suis davantage celui qui découvre qui que celui qui narre, encore aujourd'hui, la plupart du temps.
[3400] Et c'est à peine si, dans le silence d
ae ma chambre, et l'affaire classée en ce qui me concerne, je sais mieux où je vais et ce qui m'attend que la nuit où je me pendais m'accrochais [X] à mon guichet, à côté de mon abruti de fils, dans la ruelle.
[3401] Et cela ne m'étonnerait pas que je m'écarte, dans les pages qui vont suivre, de la marche stricte et réelle des évènements.
[3402] Mais même à Sisyphe je ne pense pas qu'il soit imposé de se gratter, ou de gémir, ou d'exulter, à en croire une doctrine en vogue, toujours aux même
endroits exactement.
[3403] Et il est même possible qu'on ne soit pas trop à cheval sur le chemin qu'il emprunte du moment qu'il arrive à bon port, dans les délais prévus.
[3404] Et qui sait s'il ne croit pas à chaque fois que c'est la première?
[3405] Cela l'entretiendrait dans l'espoir, n'est-ce pas, l'espoir qui est la disposition infernale par excellence, contrairement à ce qu'on a pu croire jusqu'à nos jours.
[3406] Tandis que se voir récidiver sans fin, cela vous remplit d'aise.
[3407] Par le pays de Molloy j'entends la région fort restreinte dont il n'aviait jamais franchi, et vraisemblablement ne franchirait jamais, les limites administratives,
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[3407] soit que cela lui fût interdit, soit qu'il n'en eût pas envie, soit naturellement par l'effet d'un hasard extraordinaire.
[3408] Cette région était située dans le nord, relativement à celle plus amène où je vivais, et se composait d'une agglomération que d'aucuns gratifiaient du nom de bourg et où d'autres ne voyaient qu'un village, et des campagnes circonvoisines.
[3409] Ce bourg, ou ce village, disons-le tout de suite, s'appelait Bally, et représentait, avec les terres en dépendant, une superficie de cinq ou six milles carrés tout au plus
x.
[3410] En France Dans les pays évolués on appelle ça une commune, je crois, ou un canton, je ne sais pas, mais chez nous il n'existe pas de terme abstrait et générique pour ces subdivisions du territoire.
[3411] Et pour les exprimer nous avons un autre système, d'une beauté et [|] d'une [oui] simplicité remarquables, et qui consiste à dire Bally (puisqu'il s'agit de Bally) lorsqu'on veut dire Bally et Ballyba lorsqu'on veut dire Bally plus les terres y afférentes et Ballybaba lorsqu'on veut dire les terres de Bally exclusi
fves de Bally lui-même.
[3411|001] Ce fut un prêtre, au seizième siècle, en pleine persécution huguenote calviniste, qui imagina cette nomenclature. [3411|002] Et elle fut reprise, abandonnée, reprise et abandonnée, selon les fortunes des théories de présence, jusqu'au triomphe définitif, se confondant avec le sien, de la vraie croyance. [3412] Moi par exemple je vivais, ert à bien y réfléchir vis toujours, à Shit, chef-lieu de Shitba.
[3413] Et le soir, quand je me promenais, histoire de prendre le frais, en dehors de Shit, c'est le frais de Shitbaba que je prenais, et nul autre.
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[3414] Ballybaba, malgré son peu d'étendue, n'était pas sans offrir une certaine variété.
[3415] Des pâturages soi-disant, un peu de tourbière, quelques bosquets et, à mesure que l'on s'approchait de ses confins, des aspe
rcts moutonnants et presque rieurs, comme si Ballybaba était content de ne pas aller plus loin.
[3416] Mais la principale beauté de cette région était une sorte de crique étranglée que des marées lentes et grises vidaient et remplissaient, vidaient et remplissaient.
[3417] Et les gens les moins poétiques romanesques sortaient du bourg en foule, pour admirer ce spectacle.
[3418] Les uns disaient, Rien n'est plus beau que ces sables à peine mouillés.
[3419] Les autres, C'est à marée haute qu'il faut venir, pour voir la crique de Ballyba.
[3420] Quelle beauté alors que cette eau plombée et qu'on dirait morte, si l'on n'était pas averti du contraire!
[3421] Et d'autres enfin affirmaient que cela ressemblait à un lac souterrain.
[3422] Mais tous étaient d'accord, à l'instar des habitants d'Isigny, que leur ville était sur la mer.
[3423] Et ils mettaient Bally-sur-Mer en tête de leur papier à lettres.
[3424] Ballyba était peu peuplé, ce qui ne pouvait que m'aider dont franchement dans ma tâche. je me réjouissais, à l'avance.
[3425] Les terres se prêtaient mal à l'exploitation.
[3426] Car à peine un hlabour prenait-il de l'ampleur, ou un pré, qu'il se cassait le nez sur un bocage druidique? ou sur une bande de marais d'où il n'y avait rien à tirer sinon un peu de tourbe de fort mauvaise qualité ou des fragments débris de chêne comprimé dont on fabriquait des amulettes, coupe-papier, ronds de serviette, chapelets, scapulaires et autres babioles.
[3427] La madone de Marthe, par exemple, provenait de
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[3427] Ballyba.
[3428] Les pâturages, malgré les pluies torrentielles, étaient d'une grande pauvreté et parsemé
es de rochers.
[3429] N'y poussaient dru que le chiendent et une étrange graminée bleue et amère impropre à l'alimentation du gros bétail mais dont s'accommodaient tant bien que mal l'âne, la chèvre et le mouton noir.
[3430] D'où Ballyba tirait-il donc ses ric sa richesse son opulence?.?
[3431] Je vais vous le dire.
[3432] Non, je ne dirai rien.
[3431|001] Des selles de ses [X] habitants.
[3431|002] Et cela depuis les des temps immémoriaux.
[3431|003] Quelques mots à ce sujet.
[3431|004] C'est sans doute la dernière fois que j'aurais l'occasion de m'abandonner à ma passion pour la chose régionale, pour cette unique mixture qui donne à chaque terroir son bouquet, pour ce que j'appelle le folklore du sous-sol.
[3431|005] Bally était entouréx de toutes parts ceinturé d'une zone maraîchère large d'un demi-mille à peu près.
[3431|006] Les primeurs les plus rares y voisinaient, avec dans une luxuriance effrénée, avec les des [X] racines de consommation courante tels le navet et la rave.
[3431|007] Chaque année des centaines, que dis-je, des
centaines de milliers de tonnes de légumes impeccables de toutes sortes quittaient Ballyba à destination des marchés nationaux et étrangers, dans des tombereaux.
[3431|008] Comment arrivaitx-ton à cet agréable résultat?
[3431|009] Grâce aux excréments des citoyens.
[3431|010] Je m'explique.
[3431|011] Chaque personne âme pouvant être considérée, d'après le recensement le plus récent, comme ayant un domicile étant domicilié dans Ballyba, et à partir dés [X] de l'âge de deux ans, devait à l'O.M.B. (Organisation Maraîchère de Ballyba) tant de matières par an, à livrer bi-mensuellement.
[3431|012] Les quantités
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[3431|012] à livrer, établies avec soin et équité par un comité qui ne s'occupait que de cela, variaient selon l'âge, les circonstance
, le régime, le tempérament, etc., du contribuable, et en cas de
meladie certaines maladies, telle par exemple une obstruction intestinale,, ou d'insuffisance chronique, de notables dégrèvements pouvaient être consentis, allant jusqu'à l'exemption totale, sur présentation du d'un certificat médical dûment visé par un deuxième comité, siégant en permanence à cet effet.
[3431|013] Quant aux recensés en voyage, on se souciait peu de savoir s'ils étaient partis pour leur plaisir, ou pour affires affaires, ou en pèlerinage, ou par piété familiale, ou pour tout xx toute autre raison, et on les soumettait indistinctement à la même obligation, celle de compenser en espèces ce qu'ils faisaient perdre à l'O.M.B. en nature, chacun selon son dossier bien entendu.
[3431|014] Et une mercuriale, affichée à la mairie au début de chaque mois, portait à la connaissance de la population la valeur, par catégories, de la précieuse denrée, valeur qui plafonnait, dans les bonnes années, aux environs de douze à quinze onze cinq à sept pence cents pence le kilog brut.
[3431|015] Il y avait là de quoi faire passer le goût des voyages aux habitants de Ballyba. Et, en effet, à part quelques ano-érotiques, séduits par les tranquilles garde-robes de l'exil, et certaines familles vivant dans l'aisance, les habitants de Ballyba restaient chez eux.
[3431|016] Certains personnages officiels, par contre, tels le maire, le brigadier, l'instituteur, le curateur du musée d'art sacré et bien entendu les officiers de l'Oè l'O.M.B., pouvaient sans contre-partie s'absenter pour une période ne dépassant
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